mercredi 28 octobre 2015

Orlando de Rudder - In memoriam ; et que sa joie demeure.

Orlando De Rudder fut un immense bonhomme. Sur l'épaule duquel j'ai taché de me hisser, au jour le jour dans notre période Montmorillon 2003-2005. Et bien sûr longtemps après, encore aujourd'hui.

Il est ce jour mis en terre, à Maubeuge, 14h15.
Mon mentor ? Oui, sans doute. Et pas que, bien sûr.
C'est bien banal, mais je me souviens :

- Je me souviens d'avoir pris cette photo de lui au bar La serrurerie, à Poitiers, en 2005.

- Avant ça, je me souviens d'avoir été son stagiaire (fantôme, juste un statut. Hiver. Nous étions deux pour une librairie sans client. Et si j'organisais tes ateliers d'écriture ? Et ça nous occupait... et si j'en profitais pour écrire ? et il n'était pas dupe et, je crois, en était content, et ça a commencé à bouger, dans cette petite cité de l'écrit du Montmorillonais.)

- Cécile et moi nous souvenons de l'émotion qu'il voulait palpable, lorsqu’il narrait sa proximité avec les vélins moyenâgeux qu'il manipulait à la bibliothèque nationale, lors de sa thèse.

- Cécile ? Oui, mon épouse, rencontrée autour de lui, lorsqu'un matin, voisine de cité de l'écrit, elle n'a pu, faute de clé en main, ouvrir la boutique à laquelle elle était destinée. Elle est rentrée chez Orlando qui, occupé, lui a dit "tu veux un café ?", le lui a préparé puis s'est éclipsé. La suite ? Et puis quoi, encore ?
- ...quoi, encore ? Bon, je me souviens de cette carbonnade concoctée par Orlando dans la maison des Écrivains de Montmorillon, à l'issue de laquelle, en cette Saint Valentin 2004, Cécile et moi nous sommes bien mieux connus.

***

- Je, Cécile, me souviens de la description mi-figue mi-raisin de l'arrivée du stagiaire puis des progrès de celui-ci gagnant la tendresse du bonhomme.
- Je, Cécile, me souviens d'une fin d'après-midi d'été, sur la terrasse du "pont de bois" d'Orlando évoquant un ouvrage, trouvé par chance dans les rayonnages d'une bibliothèque du nord, Édouard, de la duchesse de Duras. Son évocation résonnante vint, comme il l’avait prévu, à la rencontre de ma curiosité. Cette auteure devint alors mon sujet de recherches et mon engagement pour une une écriture injustement oubliée.


***

- Je (François) me souviens d'avoir organisé, sur ses conseils avisés, le concert de  Céline Caussimon, au bar de la trappe aux livres.
Et d'avoir connu une grande dame qui ne fermait pas sa voiture (une pauvre 309 blanche, dans mon souvenir) ; pour le cas ou quelqu’un aurait besoin d'un abri. Orlando avait signé les paroles d'un titre d'un de ses albums ; oui, c'est LA fille Caussimon.

-  Je me souviens de ma lecture de Tous crus les coqs (avec une gravure de lui-même sur la couverture, "peut-être ce que j'ai fait de mieux" m'avait-il dit), et dans un ordre chaotique, de celles de Lee Jackson, du Bréviaire de la gueule de bois, du Bourreau de Maubeuge, de La Nuit des barbares, du Trou Mahaut, de la Rhétorique de la scène de ménage, du superbe et court Carrefour de la mélancolie...

La BNF, via l'opération ReLIRE, a mis la quasi-totalité de son œuvre en accès libre. Bof, en avait-il dit. 
Tant que les bénéfices de cette œuvre n'iront pas à ses proches, découvrez-là ici. Du jour où ça ne se passe plus comme ça, et je le souhaite, ce lien sera retiré.

- Je me souviens d'un juin 2004 riche et chaleureux comme trois juillets, lors de l'organisation de l'autre salon du livre.
- Je me souviens des autres disparus de cette époque, Christine qui tenait son toit à bout de bras, Lizot qui nous faisait découvrir les merveilles de cette nature qui n'est, bien sûr, qu'une peau de vache...
- Et je me souviendrai des calembours, des contrepets, des jeux de mots, des citations, et que derrière tes outrances diverses, tu ne voulais que secouer, et dire aux trop convaincus envers des causes douteuses, des causes qui tendent à éloigner certains de cette humanité, celle des lumières que tu chérissais, tu ne voulais dire que, allez crétin, bois un coup, réfléchis, secoue-toi, et vis en vrai.

***


Plairial Turquoise (extrait) - Orlando de Rudder.

D’instinct passé du laps au fur, 
J’amenuise en usant mes sens et la mesure 
Du temps tarabustant qui se bat dans mon âme 
Ses minutes habens au tic-tac cœur à cœur 
Me dégoûtent et m'écœurent ! 
L’horloge-ment mouline en sassant de plain-grain 
La surface des jours qui craque sous la dent 
Du rouage extrudant des minutes fugaces : 
Avidement se grouille l’ineffable destin. 

1 commentaire:

  1. Montmorillon, je me souviens … Motivé par la pulsion enthousiaste d'Orlando à mon égard, tu m'y avais invité à une réunion poétique placée sous ton égide. Je m'étais retrouvé au finish, outre l'interprétation de mes textes, à lire ceux d'Orlando -qui ne voulait pas les lire-, de Christine -dans le même cas- et à te seconder dans la dure tâche de pousser le Cercle Poétique de Montmorillon à s'extérioriser un peu. Belle expérience, puisque sans le programmer, j'ai converti Lionel à la cause poétique, lui qui semblait à mille lieues d'elle. Il "gueule" maintenant m"a-t-on dit, du Max Jacob et du Pablo Neruda dans le Cercle Poétique de Montmorillon, par ailleurs assez secoué, puisque récemment, un nouveau membre m'a contacté, se fiant à ma "légende". L'Autre Salon … Ma prestation y fut muette, pour cause de rage de dents, tout comme celle d'Orlando à mon émission "Insurrection poétique ( pour cause d'extinction de voix), même si son éditeur d'alors, Philippe Olivier, a brillamment défendu ses couleurs. Je n'ai appris qu'après le triste événement à quel point l'admiration que j'éprouvais pour Orlando était réciproque. J'ai été à ses funérailles. Je suis toujours sous le choc.

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