- C'est, chaque premier vendredi du mois, un échange de textes, voire d'images ou de sons, entre deux sites/blogs volontaires,
idée lancée initialement par Tiers Livre et Scriptopolis.
- Ce sont des rendez-vous qui s’opèrent notamment grâce au groupe Facebook dédié, et au blog qui, mensuellement, regroupe tous les participants.
- Ce sont des rendez-vous qui s’opèrent notamment grâce au groupe Facebook dédié, et au blog qui, mensuellement, regroupe tous les participants.
Après Brigitte Célérier, c'est Angèle Casanova qui, désormais, dresse le carnet de bal.
En ce début mars, j'ai le plaisir d'accueillir Franck Queyraud, chef de projet médiation numérique à Strasbourg à qui l'image parle ; c'est assez naturellement que nous nous sommes lancés autour d'un échange de photos. Je n'ai plus eu qu'à acquiescer quand Franck a également proposé le thème Mains Humaines, formule, bien que parlante, tirée au hasard d'une de ses lectures en cours, Les racines du ciel. Et nous étions partis.
***
***
Demain, humaines...
Texte : Franck Queyraud
Photo : François Bonneau
Demain, humaines mémoires… Quelque chose m’est venu à l’esprit et puis est parti aussitôt. Je ne l’ai pas noté. Ai oublié. Je me souviens que… Nous sommes si peu…
Je ne me souviens déjà plus…

Demain, humaines mémoires… Tout était embrouillé, emmêlé – attention je
n’ai pas dit - imbriqué mais emmêlé. Il y avait pourtant des choses très
simples (qui étaient aussi des choses très compliquées) : le matin, le soleil se levait à l’Est,
montait dans le ciel et puis se couchait à l’Ouest. On appelait cela une
journée. C’était simple. Pourtant, on avait oublié… on oubliait de plus en plus
ce rythme naturel.
Je ne veux pas que ma vie se trouve résumée dans un livre,
m’a-t-elle dit. J’ai souri. Je lui ai pris les mains : ses mains humaines.
Je n’ai pas parlé. Je l’ai regardé dans les yeux. Longtemps.
Je lui ai souri. Je lui ai dit
dans un souffle : il faut raconter.
Elle n’a plus protesté. J’étais jeune et insolent. Elle m’a souri à son tour.
Demain, humaines mémoires… Elle
était très âgée. Elle se souvenait de ce froid glacial, de sa pauvre tunique
déchirée, de sa faim et de ses ongles noirs, noirs à force de gratter le sol. J’ai
regardé ses mains d’aujourd’hui. J’avais du mal à imaginer ce que ces mains
avaient faits pour la maintenir en vie, pour qu’elles aussi, ne s’envolent pas dans
la grande cheminée.
Nous sommes restés là. Longtemps.
Sur la terrasse. A regarder la fin du jour. Les derniers rayons jouant avec les
nuages de l’horizon. C’était très calme. Un craquement de bois au loin, le
dernier cri d’un oiseau installaient une pause, un frémissement, une
respiration. J’avais ma main dans les siennes. Elle, elle s’en irait bientôt.
Avait traversé le siècle et au moins la moitié de l’Europe, voyait le retour
des mêmes haines, des lancinantes rengaines qui précédaient toujours le chaos,
s’inquiétait pour ses petits enfants.
Demain, humaines mémoires… à
restaurer d’urgence. Elle s’est endormie dans le fauteuil. J’ai déposé sur
elle, le plaid russe, rapiécé et usé, qu’elle avait toujours conservé depuis sa
libération. J’ai regardé son air apaisé, ses cheveux blancs étincelants.
C’était tout à la fois : amer et doux. Je ne sais pas pourquoi ces deux
adjectifs me sont venus sur le bout de la langue.
Je n’ai jamais oublié son sourire
quand je la questionnais. Sa mémoire s’effaçait inexorablement…
La mémoire s’effaçait
inexorablement…
Silence
Le silence devrait retenir l'effacement...
RépondreSupprimer