mardi 28 janvier 2014

La courge (In "Le Village, feuilleton désordonné") (qui s'ordonne de plus en plus !)

On ne traite pas quelqu'un de courge, surtout pas Trébuchet. Pas impunément. Pas même quand ledit bonhomme n'a pas dépassé le cours préparatoire. Souvenirs rances.
Il enfonce profond ses ongles dans la chair de sa paume, en un poing illusoire qu'il ne flanquera jamais sur le visage de personne. Jamais. 
Mais il ressasse. Il serre. Et, dans son manoir intérieur, dans son gueuloir du pauvre en gueule, il exulte, il rage, il renverse idiotement ce qui pourrait encore lui servir : passé et présent se confondent, et il ne l'a pas vu venir. Ni repartir, ni revenir. Mémoire traitresse.

Il se reprend : une courge, mon pauvre, quand tu l'as dépecée à l'épluche-légume solide, à t'en flanquer des ampoules,  quand d'une poigne de brute tu l'as coupée en deux, avec le couteau dont tu n'as pas le droit de te servir, quand tu l'observes enfin, ce demi-lobe, tu te rends compte qu'elle n'a encore rien livré de ses secrets. Qu'elle t'attend dans sa toile. 
Alors viens là que je sois ta courge. Tu n'as rien vu de moi. Trébuchet se souvient, et trépigne encore, des décennies plus tard. Viens-là, que je sois ta courge. Et qu'il pleuve, encore. Les tuyaux se préparent.

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