mardi 20 novembre 2012

Lotus Seven - Christine Jeanney

 Il y a cet autre jour où je lance un modèle réduit de voiture contre un chambranle avec application pour qu’elle se brise, mais elle résiste. Encore une autre fois, je me lance de tout mon long, atterrissage sur les genoux, glissade, le frottement sur la moquette, la peau rouge qui se pèle, moi aussi je teste ma dureté.
Il n’y a rien à attendre, tout est attente. Il y a le volet baissé pour garder l’ombre sur l’écran, il y a le rideau épais, du tissu grenat blanchi par la lumière, il y a la musique de Ron Grainer, australien, il y a en-dessous l’Australie, Terra Australis Incognita, la terre qui fait contrepoids.
De l’autre côté de la mappemonde, de l’autre côté du sous-sol, de la porte sous la couverture étranglée par l’élastique, il y a le ressort caché qui empêche la bascule des habitants la tête en bas, leurs bras pendants vers le ciel, didgeridoo, l’eucalyptus fait voler de la terre rouge, des pointillés blancs de carapace.

Christine Jeanney, Lotus Seven, éditions numériques Publie.net, aout 2012


Allons-y tout net : Lotus Seven n'est pas une lecture de confort. On y semble dérouler, comme il vient, le fil d'une pensée (ce qui sous-entend ramifications, culs-de-sac, retours.) Illusion : la construction, discrètement omniprésente dans la narration, part d'une contrainte forte. Comme indiqué par François Bon en présentation de l'epub sur le site publie.net : 

Christine Jeanney dit qu'elle a revu cette série des milliers de fois. Les échecs, la perte, la volonté, l'île, l'isolement, la lutte. En ceci aussi, on ouvre un espace narratif neuf : la série télévisée comme patrimoine, petit carré dans l'imaginaire collectif, et donc susceptible de devenir à son tour objet de fiction. Christine Jeanney reprend sept épisodes clés, ceux-mêmes que jugeait tel le réalisateur Patrick McGoohan. Elle en reprend le titre, et surtout elle en reprend la durée : 48 minutes d'écriture, à un mot par seconde, 60 mots par minute.

Je ne crois pas être le seul à avoir en tête des images de l'énorme sphère blanche traqueuse, quand j'entends parler de la série Le Prisonnier. Christine Jeanney (que l'on a déjà accueilli ici avec bonheur) aussi, a des images de la série en tête, nombreuses. Mais elle prend le parti de leur donner un sens personnel, de les mêler à des souvenirs de ses samedis après-midi d'enfance, sur les genoux paternels. Nous sommes donc confrontés à un constant va-et-viens entre la référence quasi-universelle, et l'intime. Une intimité pour autant pudique, comme posée sur la table, et modelée. Ce qui n'empêche pas la sincérité, mais qui snobe l'épanchement d'une manière particulièrement adroite. Même lorsqu'il est question de la perte, de l'absence. 
Restent les images, de nouvelles images mentales qui se créent et s'animent à la lecture, qui se télescopent, en appellent d'autres qui viendront. Précieuse récompense à la concentration demandée par la lecture de Lotus Seven.
 
Livre numérique Les sirènes on ne les voit pas un couvercle est posé dessus Livre numérique Quand les passants font marche arrière ça rembobine

Enfin, on ne quittera pas cette petite rubrique sans se réjouir de la sortie récente de Quand les passants font marche arrière, ça rembobine, le tome II des ToDoListes (dans lesquels, mais si, l'auteur du présent blog à la joie de contribuer, modestement mais photographiquement.)

On en profitera d'ailleurs pour recommander à tous la visite des sites publie.net et http://publiepapier.fr - et pourquoi pas, à inciter à l'achat : l'initiative éditoriale de cette double plateforme demeure fragile, malgré ses propositions exigeantes. Et puis, c'est bientôt noël.

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