
Il n’y a rien à attendre, tout est attente. Il y a le volet baissé pour garder l’ombre sur l’écran, il y a le rideau épais, du tissu grenat blanchi par la lumière, il y a la musique de Ron Grainer, australien, il y a en-dessous l’Australie, Terra Australis Incognita, la terre qui fait contrepoids.
De l’autre côté de la mappemonde, de l’autre côté du sous-sol, de la porte sous la couverture étranglée par l’élastique, il y a le ressort caché qui empêche la bascule des habitants la tête en bas, leurs bras pendants vers le ciel, didgeridoo, l’eucalyptus fait voler de la terre rouge, des pointillés blancs de carapace.
Christine Jeanney, Lotus Seven, éditions numériques Publie.net, aout 2012

Christine Jeanney dit qu'elle a revu cette série des milliers de
fois. Les échecs, la perte, la volonté, l'île, l'isolement, la lutte. En
ceci aussi, on ouvre un espace narratif neuf : la série télévisée comme
patrimoine, petit carré dans l'imaginaire collectif, et donc
susceptible de devenir à son tour objet de fiction.
Christine Jeanney reprend sept épisodes clés, ceux-mêmes que jugeait
tel le réalisateur Patrick McGoohan. Elle en reprend le titre, et
surtout elle en reprend la durée : 48 minutes d'écriture, à un mot par
seconde, 60 mots par minute.
Je ne crois pas être le seul à avoir en tête des images de l'énorme sphère blanche traqueuse, quand j'entends parler de la série Le Prisonnier. Christine Jeanney (que l'on a déjà accueilli ici avec bonheur) aussi, a des images de la série en tête, nombreuses. Mais elle prend le parti de leur donner un sens personnel, de les mêler à des souvenirs de ses samedis après-midi d'enfance, sur les genoux paternels. Nous sommes donc confrontés à un constant va-et-viens entre la référence quasi-universelle, et l'intime. Une intimité pour autant pudique, comme posée sur la table, et modelée. Ce qui n'empêche pas la sincérité, mais qui snobe l'épanchement d'une manière particulièrement adroite. Même lorsqu'il est question de la perte, de l'absence. Restent les images, de nouvelles images mentales qui se créent et s'animent à la lecture, qui se télescopent, en appellent d'autres qui viendront. Précieuse récompense à la concentration demandée par la lecture de Lotus Seven.
Enfin, on ne quittera pas cette petite rubrique sans se réjouir de la sortie récente de Quand les passants font marche arrière, ça rembobine, le tome II des ToDoListes (dans lesquels, mais si, l'auteur du présent blog à la joie de contribuer, modestement mais photographiquement.)
On en profitera d'ailleurs pour recommander à tous la visite des sites publie.net et http://publiepapier.fr - et pourquoi pas, à inciter à l'achat : l'initiative éditoriale de cette double plateforme demeure fragile, malgré ses propositions exigeantes. Et puis, c'est bientôt noël.
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