Vases Communicants de mai - Peaux retournées par Christophe Grossi

Tiers Livre  et Scriptopolis  sont à l'initiative d'un projet de vases communicants : le premier vendredi de chaque mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, charge à tous de préparer les invitations puis les échanges. "Circulation horizontale pour produire des liens autrement"… "Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre." Brigitte Célérier et  Pierre Ménard mettent le tout en valeur...

J'accueille avec grand plaisir ce début mai Christophe Grossi, pour un échange texte, image et son (cliquer sur le titre ci dessous pour écouter en ligne). On peut découvrir sur Publie.net, en cliquant ici,  Va t'en va t'en c'est mieux pour tout le monde, son fort texte numérique.
Et ici, le reste de ses publications...

Ma contribution est lisible chez lui, ICI.

Edit 26/09/2012 : et ici, un atelier d'écriture à partir de cet échange

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Peaux retournées

Celui-là qui est moi, qui ouvre ses fenêtres, ses onglets et ses espèces d'espaces, s'arobase, se logue et se modpasse, n'est pas toujours interchangeable avec celui-ci qui répond aux courriels reçus dans la nuit, des messages écrits d'un pays où il faisait jour tandis qu'il rêvait encore de sa #lecturedusoir.

Celui-là qui est moi, qui compose le numéro des deux départements français qui permettront aux grandes portes vitrées et coulissantes de s'ouvrir, n'est pas toujours interchangeable avec celui-ci qui va fumer, va pisser, laisse pisser, laisse passer l'occasion de se taire.

Celui-là qui est moi, qui pose sa main sur la poignée et le badge devant le détecteur, qui court sans sucre de salut en ça va sans savoir pourquoi des fois, n'est pas toujours interchangeable avec celui-ci qui blague, blogue, débloque, écrit, crie, twitte, retwitte, effèfe, plussoie et like.

Celui-là qui est moi, qui annule ou rétablit ses frappes, signe, édite, médite, modifie, remplace, copie, coupe et colle, insère, renvoie, commente, partage, ouvre et ferme balises, n'est pas toujours interchangeable avec celui-ci qui retourne les salutations étranglées.

Celui-là qui est moi, qui ouvre l'enveloppe, le fichier, le dossier, formule, numérote, pose et prend congé, lit, relie, déplie, liste et livre, n'est pas toujours interchangeable avec celui-ci qui s'engueule avec machin machine ou se rabiboche avec machine pas machin.

Celui-là qui est moi, qui actualise, personnalise, téléphone, note, exporte, s'emporte, toc toc et prend la porte, affiche, enregistre, planifie, patiente, s'agace, efface, n'est pas toujours interchangeable avec celui-ci qui ancre l'avatar dans la peau retournée.

Celui-là qui est moi, qui tab espace suppr maj pomme S entrée, n'est pas toujours interchangeable avec celui-ci qui regarde sans voir, lit sans comprendre, répond sans entendre, soulage ses lombaires, nettoie les verres de ses lunettes, ignore les rapprochements symptomatiques ou préférerait ne pas.

Celui-là qui est moi, qui s'informe, s'assied, repère les achoppements syntaxiques, demande un conseil, une feuille, un filtre, de l'aide, un casque, un truc à grignoter, comment elle marche l'imprimante, où vous mangez à treize heures, se lève, joint, formate, sort, fait craquer ses cervicales, se rassied, fuit l'open space et revient nicotiné, n'est pas toujours interchangeable avec celui-ci qui se demande si des fois celui-là qui est moi ne serait pas, comment on dit déjà ? interchangeable ? si celui-là qui est moi n'est pas, mais lequel au fait ? mais de quel moi parlons-nous ? et celui-là qui est moi parfois se met à douter de qui s'est réellement levé, de qui s'est appuyé contre la vitre du train, contre la porte d'entrée, si c'est celui censé porter carte de visite costumée, cosmétiques se dissipant au fil des brainstormings, chaussures pointues turlututu ou l'autre qui scribure et qui, nu de l'autre, dézippé de la peau de l'autre sait que tu n'es que matière à faire du mieux/ toi aussi.

Christophe Grossi, mai 2012.

Celui-là qui est moi,/ N'est pas toujours interchangeable/ Avec. et Te voilà devenu, sans le savoir,/ Matière à faire du mieux,/ Toi aussi. sont extraits de Millimètres de François Bonneau (publie.net)

La musique, Dead bodies, est composée et interprétée par le groupe de Air.

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