Les vases communicants continuent, même à effectifs réduits.
Vases communicants ?
- C'est, chaque premier vendredi du mois, un échange de textes,
voire d'images ou de sons, entre deux sites/blogs volontaires. J'écris chez toi, tu écris chez moi.
- Ce sont des rendez-vous qui s’opèrent
notamment grâce au groupe Facebook dédié,et au blog qui,
mensuellement, regroupe tous les échanges.
Ce vendredi, j'accueille donc ici le texte de Sylvie Pollastri. Nous sommes partis d'un thème très simple : Salle de Réunion.
Ma voix s’évanouit entre les chaises tandis que je pénètre
dans la pièce. Quelqu’un est déjà là. Au bruit de mes pas – j’ai pourtant pris
soin de mettre mes chaussures dont la semelle est de caoutchouc – plus que de
mon inaudible voix au souffle mourant, il lève légèrement la tête. Regard
absent. Visage impassible. Je baisse les yeux, cherche une place impossible et
fait presque le tour de la grande table. Fenêtre ou bibliothèque ?
« Vous êtes... », dit-il, comme s’il devait cocher
une liste.
J’opte pour la plante verte, m’imagine que je me suis
trompé, de jour, d’heure, de lieu, de ville et j’ai déjà tout oublié. La plaque
à l’entrée m’avait fait sourire. Dois-je aller le saluer ?
« Jean-Michel Leurat, ench...té… »
Je ne sais si c’est de l’asthme ou le reflux de la mitrale.
Ça fait boum dans ma poitrine, crac dans ma tête, bing dans mes jambes. Ou le
contraire. Peut-être la fenêtre. L’autre se détend brusquement. Il range les
quelques feuillets qu’il consultait et me sourit. À peine, certes. J’ai juste le
temps de lire cette mimique si caractéristique dans les traits d’un visage
anonyme mais bonhomme. Je m’assois. Entre la plante verte et la fenêtre.
J’aurais peut-être dû prendre un café avant. Avant la…
On compte les minutes. Quelques-unes. Pas trop quand même.
La porte s’ouvre, se ferme, s’ouvre, se ferme, s’ouvre… pas, voix, bruits de
chaises, bruits divers provenant du couloir. On sent qu’ils se connaissent
tous, par les gestes, les regards, les mots de connivence. Enfin, il n’y a pas
toute cette amicale solidarité que les nombreux visages avenants laisseraient croire.
« J’étais au Japon ! Un tout autre monde ! Toute une autre façon
d’envisager les relations humaines derrière leur indéfinissable courtoisie.
Tout est question d’honneur ! » « Mais c’est vraiment un
imbécile ! Il ne comprend jamais ce que je lui dis ! » « Quel
plaisir ! » « Cette veste-là, sans nul doute, vous
ira ! » « J’attends encore un peu et j’appelle ! »
« Non ! Envoie un texto ; tu aviseras ensuite ! »
« Le Japon est vraiment merveilleux. Vous savez, ils ne connaissent pas le
pêché comme nous ! L’honneur ! L’honneur ! Et la confession
publique ! » « Les épaules ne sont-elles pas trop
carrées ? » « Toujours pas répondu à mon texto »
« Quel imbécile ! » « Il est sans doute occupé ». Tout
ce quant-à-soi qui me place hors du jeu, loin, ailleurs, étranger. Personne ne
m’adresse la parole. C’est peut-être mieux ainsi. J’ai la tête en coton.
Vvvvrrrrrrr…. Tttttrrrrrrr… puis les chaises cessent de faire de la musique.
Puis il prend la parole.
« Bien, tout le monde est là. Nous pouvons commencer.
Je vais laisser la parole au chef du service des urgences. Jean-Michel… »
J’ai la tête ailleurs. Bien loin. À la Réunion.
Sylvie Pollastri
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