Vases Communicants
: c'est chaque
premier vendredi du mois. C'est un échange de textes, voire d'images ou
de sons, entre deux sites/blogs volontaires. Idée lancée
initialement par Tiers Livre et Scriptopolis.
Les rendez-vous s’opèrent notamment grâce au groupe facebook des vases communicants, dont Brigitte Célérier est l'âme. Elle administre aussi le blog qui, mensuellement, regroupe tous les participants. (Merci à elle !). (Page précieuse pour ne manquer aucune rencontre vasèsque.)
Le récent Lotus Seven, chez publie.net, récit à contrainte mêlant souvenirs d'enfance et épisodes de la série Le Prisonnier, c'est elle.
Nous avons décidés de parler voitures. En essayant de ne pas transformer nos blogs en annexes d'autoplus.
Ma contribution du mois,
Et ci-dessous, son texte à elle :
***
Lui
et les voitures
Et aussi la légende : il roulait
si lentement parait-il, qu’on aurait pu cueillir des pâquerettes ou saisir les
lapins aux oreilles d’une simple main passée par la portière ouverte pendant
qu’il conduisait. Ça et
« traction avant ».
Mais je ne l’ai jamais vue. Une
citroën. Et ensuite des peugeot, un souvenir de peinture bronze, de
décollements par plaques, avec des courbes, comme voir un morceau d’œuf doré
décoquillé par les intempéries, quel oiseau fabuleux ça faisait naître.
Sûrement une 404 (l’oeuf du 0 entre deux 4 à angles technologiques).
Une 504 ensuite, ses phares carrés
de lunettes sérieuses, œil d’ingénieur à qui on pouvait faire confiance. Les
sièges en skaï. « Skaï », ça donnait une idée de neuf, d’odeur, de
modernisme, de financièrement solvable, de progrès, de responsabilité non
dénuée d’inventivité, respectable et tonique, skaï. Cuir, c’était riche et un
peu obsolète, des méprisants, des vieux, des moisis pour qui tout était facile,
non, pas des gens comme nous. Et tissu, c’était passé de mode et surtout rempli
de microbes, il fallait vraiment être resté un peu paysan dans l’âme pour aimer
ça. Nous, on était skaï.
Une CX grise métallisée et son
ruban caoutchouc noir qui frottait le bitume sous le pare-chocs arrière pour
empêcher mes vomissements (tu parles que ça marchait, dans les lacets des
alpes, j’ai constamment un sac ouvert devant la bouche).
Et un jour la BX. Attendre qu’elle
lève son derrière avant de démarrer, comme on attend dans une fusée ou dans un
aéroglisseur, attendre avec sur le visage l’expression du pilote d’essai,
d’élite.
Et la dernière voiture, Xantia, le
prénom à la noix, pourvue d’un numéro de code pour qu’elle démarre. Il ne la
conduira pas très longtemps, puis plus du tout, les pâquerettes et les lapins
peuvent gambader tranquilles. Ce qui serait étrange, c’est de savoir ce qu’il
en reste : un boulon, quelque part, récupéré pour un autre châssis, ou
entassé avec d’autres ferrailles dans le magma d’une casse, ou emporté dans une
fonderie pour qu’on y modifie sa forme, qu’on le fusionne chaleur liquide avec
d’autres boulons, qu’il y devienne lampadaire, radiateur, ou pièce de séchoir
électrique. Objets qui roulent.
Texte et photo : Christine Jeanney
Chère Christine. Une belle érudition sur une mécanique qui, dès que je suis en sa présence, m'oblige à appliquer les freins tant elle m'effraie. Comment me suis-je rendu à mon âge avec tant de ces bolides qui me frôlent au quotidien... pedibus cum jambis.
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