jeudi 25 août 2011

Né d'une bétonnière





Il est né d'une bétonnière . C’était une grande sphère orange, pendule absurde et frénétique qui brassait, et qui tournait, encore et encore. Pendant des semaines et des mois, sa grande bouche tournée vers le ciel, elle tourbillonna sans que personne n’ose l’arrêter. Lui se faisait bercer au chaud, avant même sa naissance, dans la bétonnière qui bayait aux corneilles, et qui évoluait à cent-vingt tours/minute. Brassé en permanence, il attendait.
Un matin vaporeux pavé de feuilles mortes, quand plus personne n’attendit rien, on la vit ralentir, puis s’immobiliser. Fin de la berceuse, Elle allait mettre bas.


Comme elle avait le ventre gros, deux bras compatissants basculèrent doucement sa bouche vers le sol. Lui, contraint d’arriver au monde, commença à s’écouler sur la terre ferme. Il tomba la tête la première, et attendit que le reste de son être le rejoigne. Il lui fallut beaucoup de temps. Il ressemblait à une pâte visqueuse et grisâtre, qui s’élargissait au sol. Comme une flaque, qui doucement s’étendait, de plus en plus large.


Son temps était compté. Il ne serait pas gluant éternellement. Alors il commença à se répandre, en rampant, en coulant. Il ne voulait pas sécher, pas avant d’avoir atteint la flaque d’eau, là-bas. Qui lui permettrait de s’humidifier, un peu, de continuer jusqu’à la prochaine flaque, et ainsi de suite, et le plus loin possible. Pour se donner du courage, il imagina que chacun de ses grains de sable devenait roulement, autant de billes sur lesquelles glisser, rouler, vers la flaque d’eau, là-bas. En attendant de l’atteindre, tout en rampant, il se mit à espérer une petite pluie fine. Juste pour être sur. Pour ne pas se raffermir trop vite.Pour ne pas s’arrêter, il se persuada être monté sur chenilles. Et il finit par y croire, par se sentir conquérant. Il avançait, roulait, coulait, s’élargissait comme une tache d’huile. Et s’allongeait de plus en plus, vers la marre, rampant à sa manière. Une course lente, qui vit les nuages matinaux, lentement, se dissiper. Imperceptiblement, il se figeait à mesure que le mercure escaladait les thermomètres. Il se dépêcha, autant qu’il put, et réussit à peine à atteindre le bord de la marre. Alors, il détacha sa courte tête, qui roula, faiblement, et tomba dans la flaque, tandis que tout son corps devenait trottoir, terrasse ou fondation,


et côtoyait le goudron, déjà, qui commençait à le rejoindre, versé à côté de lui.
 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire