À l'initiative de Tiers livre et Scriptopolis : Les Vases Communicants.
Chaque premier vendredi du mois, écrire un texte chez un autre blogueur.
Circulation horizontale pour produire des liens autrement… "Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre."
Ce moi-ci, j'accueille Samuel Dixneuf, du blog Lignées, qui a créé Machinal a partir d'une de mes photos ;
j'ai fait de même chez lui, à partir d'une des siennes : mon texte Hérissé au sol est lisible ICI.
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Machinal
Longtemps j'ai trimé de bonne heure. J'ai connu les instants fragiles de l'aube scélérate devant le bout de miroir piqué de rouille que je tenais d'une main sous la lumière pisseuse de mon logis. Je ne pouvais y voir qu'une partie de mon visage hâve. Je le manipulais délicatement pour tenter d'en reconstituer un semblant d'image. En vain. Je demeurais ce corps éclaté dont je ne pouvais pas ajuster les morceaux. Mon visage réfugié sous une barbe épaisse, restaient mes yeux ; mes yeux fous qui me fixaient, mutiques. Et je m'abandonnais dans le noir des pupilles dilatées pour trouver une raison de ne pas me trancher la gorge.
Longtemps j'ai trimé de bonne heure, et tu dormais, là-bas, et je m'éloignais, sur la pointe des pieds, pour ne pas gêner la nuit. J'aurais pu la laisser faire, laisser son bras profond se poser sur mon dos, mon dos rond, jouir de sa caresse froide et de son silence pénétrant. Mais je ne m'attardais pas. J'allais, la tête vide, vers ma compagne d'acier.
Je la devinais, s’arrachant à la pénombre, tranquille, monstrueuse et belle. Dès lors, je ralentissais le pas. A chaque fois, j'étais surpris qu'elle soit là, intacte, encore assoupie. Je laissais mes doigts glisser le long de sa carcasse avant de sauter prestement sur ses flancs pour finalement me retrouver en son sein. D'un coup de clé luisante, je l'ébranlais. Elle frémissait, soufflait, crachait. Nous restions ainsi immobiles quelques instants. Pour la première fois de la journée, j'étais vivant.
Puis, sans hésiter, j'enclenchais le levier dans le premier interstice. Nous partions sans bruit dans les profondeurs de la forêt.
Texte : Samuel Dixneuf
Photo : François Bonneau
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et rejoindre Hérissé au sol, tendrement, avec ma belle déchiqueteuse-broyeuse (longtemps nous nous sommes levés trop tôt)
RépondreSupprimer"Pour ne pas gêner la nuit", ni, ici, le jour.
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