Aux
confins, l’horizon s’est collé à nos fronts.
Nous
voilà en nos murs, cuisine et dépendances, musique de chambre et danses de
salon. A la cave, si l’envie d’exotisme nous prend. Aux confins, ça rêve de
vide-grenier.
La
pendule a fondu. Alors il a fallu reconstruire un cadran, comme un temps
d’occasion, une horloge de fortune. Aux confins, la trotteuse reste une garce.
Aux
confins comme partout, les écrans, belles usines à trouille, balancent aux
sidérés les chiffres et les décomptes, ordonnent le calme et la détente, imposent
la créativité, exigent qu’on prenne pour soi le temps que l’on a plus ; on
a même pu y lire les mots confifi, confinou, belle chance d’être avec soi, on
regarde blasés des virologues intérimaires s’écharper avec des économistes
débutants, pendant que ceux qui savent essayent.
Et
pourtant, dépités, on y regarde encore.
Aux
confins, c’est rodéo sur mélancolie.
Aux
confins, bien sûr, on écoute son corps, qui envoie des signaux qu’on ne sait
décrypter. Soudain, ce souffle court : est-ce que c’est uniquement la
crainte, contagieuse elle aussi ? Certainement, oui. Et ça va déjà mieux
jusqu’à la prochaine fois.
On
assure son rôle. On envoie au tableau des élèves distants, on se convainc un
peu qu’on est pas inutile.
Aux
confins, comme chacun, on remplit son papier pour de rares pas dehors. Alors la
fiction est la norme, on croise des masqués dans les rues désertiques, l’extraordinaire
est devenu normal, comme pour tout un chacun, aussi mal, aussi bien.
Malgré
tout, aux confins, on goûte sa chance de n’être ni sans-toit, ni parmi les
entassés, ni petite vertu, ni l’un des prisonniers qui le sont pour de vrai ;
aux confins, la plainte est indécence.
C’est
aux confins que tu as eu deux ans. Que te restera-t-il de ce nouveau banal qui
te devient normal ? Pour ça et pour le reste,
Aux
confins, on attend.