vendredi 4 novembre 2016

Salle de Réunion : Sylvie Pollastri invitée

Les vases communicants continuent, même à effectifs réduits.
Vases communicants ?
- C'est, chaque premier vendredi du mois, un échange de textes, voire d'images ou de sons, entre deux sites/blogs volontaires. J'écris chez toi, tu écris chez moi.
- Ce sont des rendez-vous qui s’opèrent notamment grâce au groupe Facebook dédié,et au blog qui, mensuellement, regroupe tous les échanges.
 
Ce vendredi, j'accueille donc ici le texte de Sylvie Pollastri. Nous sommes partis d'un thème très simple : Salle de Réunion.

« B…jour… »

Ma voix s’évanouit entre les chaises tandis que je pénètre dans la pièce. Quelqu’un est déjà là. Au bruit de mes pas – j’ai pourtant pris soin de mettre mes chaussures dont la semelle est de caoutchouc – plus que de mon inaudible voix au souffle mourant, il lève légèrement la tête. Regard absent. Visage impassible. Je baisse les yeux, cherche une place impossible et fait presque le tour de la grande table. Fenêtre ou bibliothèque ?

« Vous êtes... », dit-il, comme s’il devait cocher une liste.

J’opte pour la plante verte, m’imagine que je me suis trompé, de jour, d’heure, de lieu, de ville et j’ai déjà tout oublié. La plaque à l’entrée m’avait fait sourire. Dois-je aller le saluer ?

« Jean-Michel Leurat, ench...té… »

Je ne sais si c’est de l’asthme ou le reflux de la mitrale. Ça fait boum dans ma poitrine, crac dans ma tête, bing dans mes jambes. Ou le contraire. Peut-être la fenêtre. L’autre se détend brusquement. Il range les quelques feuillets qu’il consultait et me sourit. À peine, certes. J’ai juste le temps de lire cette mimique si caractéristique dans les traits d’un visage anonyme mais bonhomme. Je m’assois. Entre la plante verte et la fenêtre. J’aurais peut-être dû prendre un café avant. Avant la…

On compte les minutes. Quelques-unes. Pas trop quand même. La porte s’ouvre, se ferme, s’ouvre, se ferme, s’ouvre… pas, voix, bruits de chaises, bruits divers provenant du couloir. On sent qu’ils se connaissent tous, par les gestes, les regards, les mots de connivence. Enfin, il n’y a pas toute cette amicale solidarité que les nombreux visages avenants laisseraient croire. « J’étais au Japon ! Un tout autre monde ! Toute une autre façon d’envisager les relations humaines derrière leur indéfinissable courtoisie. Tout est question d’honneur ! » « Mais c’est vraiment un imbécile ! Il ne comprend jamais ce que je lui dis ! » « Quel plaisir ! » « Cette veste-là, sans nul doute, vous ira ! » « J’attends encore un peu et j’appelle ! » « Non ! Envoie un texto ; tu aviseras ensuite ! » « Le Japon est vraiment merveilleux. Vous savez, ils ne connaissent pas le pêché comme nous ! L’honneur ! L’honneur ! Et la confession publique ! » « Les épaules ne sont-elles pas trop carrées ? » « Toujours pas répondu à mon texto » « Quel imbécile ! » « Il est sans doute occupé ». Tout ce quant-à-soi qui me place hors du jeu, loin, ailleurs, étranger. Personne ne m’adresse la parole. C’est peut-être mieux ainsi. J’ai la tête en coton. Vvvvrrrrrrr…. Tttttrrrrrrr… puis les chaises cessent de faire de la musique.

Puis il prend la parole.

« Bien, tout le monde est là. Nous pouvons commencer. Je vais laisser la parole au chef du service des urgences. Jean-Michel… »

J’ai la tête ailleurs. Bien loin. À la Réunion.

Sylvie Pollastri

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire