En guise de meilleurs vœux pour ce 2013 balbutiant, voilà ci dessous le premier échange Vases Communicants de l'année.
Nous sommes tombés d'accord pour interroger les figures humaines de pierre (mascarons dans son cas, cariatides et atlantes dans le mien), que l'on croise parfois dans les rues.
Et pour les nouveaux venus, bref rappel :
Vases Communicants
: c'est chaque premier vendredi du mois. C'est un échange de textes,
voire d'images ou de sons, entre deux sites/blogs volontaires. Idée
lancée initialement par Tiers Livre et Scriptopolis.
Les rendez-vous s’opèrent notamment grâce au groupe facebook des vases communicants, dont Brigitte Célérier est l'âme. Alors merci.
Elle administre aussi le blog qui, mensuellement, regroupe tous les participants.
Merci aussi à Pierre Ménard qui scoop-it les échanges.
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Ma contribution du mois, Atlantes et cariatides, est lisible chez Brigitte, en cliquant sur ce lien.
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En cheminant, en rencontrant.
Texte et photos : Brigitte Célérier
Dans les rues de ma ville,
regarde le ciel, regarde mes pieds, prudente.
Dans les rues de ma ville,
je croise des gens pressés, étrangers, que j'indiffère, qui
m'indiffèrent.
Dans les rues de ma ville,
rencontre de calmes présences, que je peux scruter, sans que soient
gênées, sans que l'on me sache folle.
rue Saint Etienne, penché
au premier étage de l'Hôtel du Laurens – c'est chez Monsieur
Pierre-Joseph Cayranne, je crois, il me semble, notaire et greffier
des cours du Palais Apostolique – un garçon avec son bonnet, je
crois, ou une jeune femme sous un chapeau de chasse - une face un peu
sotte, je crois, ou ironique, un peu, sans trop le montrer –
l'indifférence affichée d'un valet ? Oui, plutôt, je pense...
et il est jeune, un peu
insolent, un peu amoureux de sa maîtresse, jolie et pas encore trop
mure, toute charmante, aimable et qui se fait gracieuse pour
accueillir, qu'il regarde d'en haut – et tant pis si les ans et les
intempéries l'ont moins respectée.
rue de la petite Fustrerie
– c'est là qu'en mars 1587 le duc d'Epernon courut la bague avec
des masques accoutrés de couleurs, mais ne le savent pas, sans
doute, ou en ont peut-être entendu parler par leurs nourrices, les
deux dames de l'Hôtel de Messieurs Pierre et Didier Monery, docteurs
ès-droits – une femme intelligente et sans grand charme qui me
regarde de tous ses yeux, joues un peu creusées par les veilles
studieuses,
et la toute coquette
idiote aux joues enfantines, aux yeux exorbités, qui a assorti les
fleurs de ses cheveux aux lourdes guirlandes – mais ne me disent
pas d'entrer, guettent pour que les manants importuns n'accèdent pas
aux merveilles des temps anciens, aux toiles peintes de Pillement,
aux peintures de Francesco Zucchareli, aux appartements restaurés il
y a quelques années, à leurs occupants et au souvenir des
entrepreneurs de messagerie et des Saint Priest d'Urgel
dans
les rues de ma ville, étais paresseuse, ou pressée, ai suivi mon
chemin, de nécessité en nécessité
n'ai
pas levé les yeux vers les vierges de tous les coins de rue, ou
presque, n'ai pas fait détour ou route vers Hercule, vers nobles
seigneurs, vers plus jolies dames des Hôtels de riches négociants
du dix-huitième, vers les boursouflés et dévitalisés du siècle
dix-neuvième, juste salué, énormes, surplombants, portant balcon
de toute leur tête penchée, parce que me sont familiers
parce
qu'ils sont de forte structure, volontairement grotesques, sortis
d'un conte pour clore une journée d'enfants sages, deux des
matamores, pirates turcs ou de mer de Chine
parce que, aussi, ils
m'ont introduite, au prix d'un petit détour, à la houle sculptée
italienne - dessinée par Domenico Borboni, bolognais et gloire
avignonnaise, ouvragée par Jean-André Borde... là, pardon, c'est
une remontée scolaire de mon goût pour cette façade, ce goût qui
veut que je traîne devant elle (et la porte de Saint Pierre, mais
elle est hors sujet) tout imprudent qui se fie à moi pour découvrir
la ville - médaillons, attributs, guirlandes, chutes de fleurs,
cornes d'abondance, et ces mascarons, ces vieux de la mer ou des
bois, ces sévères et tendres présences chenues, douloureuses ou
sages, tourmentées et harmonieuses, et leur grasse sève qui m'est
savoureuse.
revenir en guettant du coin de l’œil l'ami, le satire si merveilleusement bienveillant, ligoté par méfiance – l'est donc peut-être pas si bénévolent –, mais il s'en moque bien, il irradie d'une gaieté qui lui fripe les joues, s'amuse de ses rides, fait flamber les boucles de sa barbe et de sa toison mêlée de pampres, met sur sa face riselet de bonheur, lui, rencogné en retrait de ce qui fut la librairie du gentil Joseph Roumanille.
MERCI !
RépondreSupprimerSuperbe, Brigitte ! Ça donne envie, bien sûr, de venir, de revenir et de revoir quelques unes de ces ruelles et calades de son enfance... oubliée ! Merci.
RépondreSupprimerCes têtes sculptées (après les femmes sculpturales anglaises) nous regardent, nous sourient ou se moquent de nous : le théâtre d'Avignon et ses masques se déploie dans sa belle extravagance pas seulement sur scène - mais au-dessus des portes et donc ici aussi.
RépondreSupprimerMes pas m'ont conduit jusqu'à vous. Vos pas vous ont conduit à fréquenter une belle galerie de célébrités. Et vos mots ont rendu hommage à ces personnalités ma foi bourgeoises et bien nanties. Leur gravure dans ces pierres d'autrefois en témoigne.
RépondreSupprimertrès agréable promenade. merci !
RépondreSupprimerBelle série aussi. Les mascarons remplacent les atlantes, leurs masques souriants ou terrifiants (enfin qui se veulent tels) nous accompagnent partout dans Avignon, et tu as raison d'insister sur la façade de l'hôtel de Crillon, la plus belle et la plus richement décorée.
RépondreSupprimerC'est enlevé, inattendu, cheminant les yeux en l'air, à l'affût de ces faces de pierre, hilares, grognantes, sérieuses, animales, échevelées, Brigitte, encore une fois nous surprend et enchante.
RépondreSupprimerJe ne pensais pas en trouver autant Belles histoires d'histoire en plus
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